On m'a fait remarquer
récemment que les billets sur ce blog étaient un peu « râleurs »
ou pessimistes. Il est vrai que sa charte graphique n'encourage pas à
la gaieté et à la joie de vivre (mais non, je ne ferai pas un blog
avec des poneys et de l'amitié, cela reste hors de question). Voici
donc du coup en contrepoint un billet un peu plus positif, parce
qu'enseigner, c'est quand même chouette.
Je vais donc aujourd'hui
vous parler d'Alice. Oui, cette Alice là. Alice est une de mes
anciennes étudiantes. Elle a passé 2 ans en DUT. Alice venait d'un
baccalauréat technologique, avec des résultats certes pas mauvais
mais pas spécialement brillants non plus, et une certaine allergie
aux mathématiques, comme en ont beaucoup de jeunes quittant le
lycée.
Clairement, avec son
dossier en sortie de lycée, Alice n'aurait pas eu accès à une
prépa, et même si elle y était allée cela probablement aurait été
une tentative gâchée par le rythme et les exigences propres aux
classes préparatoires (entre autres en mathématiques, dont on
continue trop souvent à faire l'alpha et l’oméga de la sélection
dans les formations scientifiques en France). Bref, sans être
forcément sombre, son avenir était en partie limité par son
orientation subie pendant sa jeunesse et par le fonctionnement de
notre système d'enseignement, qui met très tôt les jeunes dans des
tubes dont il devient ensuite difficile de sortir.
Mais Alice est venue
faire un DUT Informatique, et il s'avère que l'informatique lui a
plu, vraiment. Il est d'ailleurs probable que l'informatique lui ai
déjà plu avant, mais c'est une passion dure à identifier et
valoriser avant d'accéder aux études supérieures, tant cette
discipline a encore du mal à trouver sa place dans le secondaire.
Toujours est-il que ça a marché pour Alice, qu'elle a eu de bons
résultats (même si les mathématiques ne sont pas devenus son fort
pour autant), qu'elle a gagné ainsi le soutien des enseignants de
l'équipe, qui ont appuyé son dossier de poursuite d'études.
Aujourd'hui Alice est
élève ingénieure en informatique, et tient sa place sans
difficultés au milieu d'étudiants venus du parcours Bac S + prépa
classique. Bien sur elle n'est pas à X ou dans une des grandes
grandes écoles les plus réputées. Mais elle sortira bientôt avec
un titre d'ingénieur, et tout ce que cela implique dans le marché
du travail français. Non seulement parce qu'elle est réellement
compétente dans son domaine et a su s'investir dans ses études,
mais aussi un peu à un moment parce que nous avons été là pour
lui donner une chance, lui mettre le pied à l'étrier, et lui donner
la possibilité de réaliser son vrai potentiel.
On mesure souvent la
valeur d'un établissement en fonction de son taux de réussite et de
la qualité de ses diplômés en sortie. Personnellement j'ai
toujours trouvé cette méthode de palmarès peu pertinente. Après
tout il est facile en recrutant de très bons étudiants au départ
de s'assurer qu'ils soient encore très bons à l'arrivée. Pour moi
la vraie plus-value d'un établissement d'enseignement se situe dans
le différentiel entre le niveau d'entrée et le niveau de sortie de
ses étudiants. Et sur ce différentiel, les IUT ont une carte
importante à jouer. Nous ne recrutons pas dans nos promotions le
haut du panier, cela fait des années que les bacheliers avec de bons
et très bons dossiers partent en classes prépas. Mais ceux que nous
formons, et à qui nous donnons une chance, peuvent en profiter pour
prendre un véritable élan.
Bien sur il ne faut pas
se leurrer, tout le monde ne réussit pas, et l'échec en première
année est une de nos préoccupations constantes. Certains découvrent
que la discipline ne leur convient pas, préfèrent une autre
spécialité, ne s'investissent pas en termes de travail personnel,
ou parfois simplement n'arrivent pas à suivre malgré leurs efforts.
Nous faisons tout notre possible pour lutter contre cet échec, tout
en sachant que la solution reine serait de ne jamais prendre de
risque, de n'accepter que ceux dont on sait qu'ils réussiront.
Mais justement, prendre
quelques risques, faire un pari sur la réussite d'étudiants au
dossier pas toujours brillant au départ, c'est donner une chance à
des personnes pour Alice, et c'est à mon sens exactement ce pourquoi
nous sommes là.
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