vendredi 9 mars 2012

Le Devin


Avec le printemps vient la campagne de réhabilitation des formations, longue procédure qui vise à faire un bilan des formations proposées par les universités devant notre ministère afin qu'il décide si ces formations peuvent ou non continuer pour une nouvelle période de 4 années. Comme pour beaucoup de procédures universitaires, c'est un travail de fond qui commence très tôt : les dossiers sur lesquels nous travaillons concernent un renouvellement pour la rentrée 2014. Et cette année en tant que responsable de formation, c'est à moi qu'échoit une grande partie du travail sur le dossier (heureusement épaulé par le reste de l'équipe et le chef de mon département d'enseignement).

Construire un dossier de réhabilitation est un exercice à la fois administratif et pédagogique. Tout d'abord il faut dresser un bilan sincère de la formation : effectifs, attractivité, taux de réussite, débouchés des étudiants sur x années. Il faut justifier l'intérêt de cette formation pour les étudiants et en identifier les forces et faiblesses (les relecteurs des dossiers étant tout sauf des sots, il est inutile d'envisager de cacher la poussière sous le tapis). Ensuite il faut à partir de ce constat faire des propositions d'évolutions, qui quand on enseigne dans un domaine lié aux nouvelles technologies sont souvent conséquentes d'une habilitation sur l'autre. En 4 années, le paysage des NTIC a beaucoup changé et les métiers qui y sont associés aussi, les formations doivent donc suivre le mouvement, faute de quoi nous allons former de futurs professionnels sur des outils et méthodes obsolètes, ce qui est vite contre-productif.

La question qui se pose donc est de savoir qu'elles seront les technologies et les méthodes à la pointe sur la période 2014-2018 et quels seront donc les enseignements à mettre en avant sur cette nouvelle habilitation. La réponse n'est pas simple du tout et demande une forte capacité de projection dans l'avenir. Se baser trop fortement sur ce qui marche en ce moment présente le risque de proposer une formation déjà dépassée dès son renouvellement, vouloir trop se projeter dans l'avenir présente le risque de faire des propositions fantasques ou de se focaliser sur des outils prometteurs mais qui n'émergeront finalement jamais. Bref, tenir le cap du visionnaire raisonnable est ardu, et en jeu se trouve la formation de nos futurs étudiants.

Par exemple, lorsque mon prédécesseur a rempli le même type de dossier au printemps 2006, comment aurait-il pu prévoir la place que prendraient les smartphones dans l'informatique ? (l'Iphone n'est sorti qu'en novembre 2007) ou comment aurait-il pu anticiper la place du micro-blogging dans les stratégies de communication ? (Twitter a été lancé en juillet 2006) Et donc dans ce contexte comment construire un projet de formation pertinent sur une période aussi longue sans dons de prophétie ? (et sincèrement, quelqu'un capable de fournir des analyses précises et fiables sur 6 ans du marché des NTIC peut exercer des activités beaucoup plus lucratives que celle d'enseignant-chercheur)

Donc bien évidemment il existe des méthodes pour ne pas se retrouver dans le faux, et ne pas se scléroser sur une proposition d'enseignement figée dans le temps. Et c'est là une grande partie de l'art de ce genre de dossiers : composer une offre de formation à la fois solidement étayée et présentant assez de souplesse pour permettre d'y apporter des évolutions dans la durée, savoir discerner ce qui relève des compétences stables et ce qui relève des courants éphémères, savoir démonter ce qui relève du savoir-faire général et ce qui relève de la maîtrise d'un outil voué à être remplacé.

En attendant est-ce que je prévoie encore un cours de Flash pour 2014-2018, ou est-ce que j'annonce directement un cours sur HTML 6 ?

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