8h du matin. Des
étudiants au visage fatigué (toujours à cette heure-ci) entrent
dans l'amphi. Ils s'installent, discutent. Certains finissent leur
café pris au distributeur du hall, d'autres commencent déjà à
rouler la cigarette qu'ils fumeront en sortant vers 9h30, d'autres
encore positionnent leur sac confortablement sur la tablette devant
eux, et décident de finir leur nuit. Entre alors un enseignant, qui
prend place sur l'estrade, allume le vidéo-projecteur, et démarre
la présentation qui servira de support à ce premier cours de la
journée.
La question est alors :
qui est ce prof ? Ou plutôt qu'est-il ?
En effet, il n'y a pas UN
prototype d'enseignant universitaire, ce serait incroyablement trop
simple. Les enseignements de l'université sont assurés par
plusieurs catégories d'enseignants qui répondent à des aspects
divers de la mission de transmission de connaissance. Et par
conséquent, pour donner un peu de structure à cette présentation,
il va falloir définir une clé de tri.
On peut envisager
plusieurs façons de différencier les enseignants d'université. En
premier lieu par la nature précise de leur activité. En effet nous
trouvons normalement dans toute formation des enseignants-chercheurs
(qui conjuguent comme leur nom l'indique une activité d'enseignement
et une activité de recherche), des enseignants à temps plein (qui
se dédient uniquement à l'enseignement, et en font donc plus en
volume) et des intervenants professionnels (qui ajoutent à l'aspect
« académique » de l'université une véritable
expérience de terrain).
Mais nous pouvons
également distinguer les enseignants en fonction de leur statut.
Alors que le plus fort des troupes est constitué de membres
permanents (fonctionnaires dans la plupart des établissements, ou en
CDI dans d'autres), nous pouvons également trouver des contractuels
(qui bénéficient de contrats d'un à trois ans potentiellement
renouvelables) et de vacataires (qui eux sont payés à l'heure, et
normalement ne sont là que pour combler des besoins ponctuels, même
si cette ponctualité est parfois récurrente).
Et à tout seigneur, tout
honneur, le billet d'aujourd'hui se concentrera sur les enseignants
archétypaux, ceux auxquels on pense en premier quand on parle
d'université : les enseignants-chercheurs.
Des chercheurs qui cherchent, on en trouve...
L'enseignant-chercheur
est par définition la brique de base d'une formation universitaire.
Un individu chargé de créer (ou exhumer) de la connaissance et de
la retransmettre aux nouvelles générations. Par défaut, un
enseignant-chercheur doit 1600 heures de travail annuel à son
établissement. La moitié doit être consacrée à l'enseignement
(dont 192 heures passées directement en présence des étudiants, le
reste couvrant les préparations, les corrections, la veille, les
nombreuses réunions de coordination des équipes et les
responsabilités diverses et variées) et l'autre à la recherche
(sanctionnée par la nécessité de fournir une certaine quantité de
production scientifique).
Les Professeurs
d'Université sont les enseignants-chercheurs qui président
aux destinées des universités. Ce sont tous des individus
expérimentés, qui ont démontré l'importance et la pertinence de
leur travaux, ainsi que leur capacité à encadrer et diriger des
recherches (à l'exception du milieu des sciences juridiques, le
recrutement en tant que Professeur nécessite d'abord l'obtention
d'une Habilitation à Diriger les Recherches – ancien doctorat
d'état – qui sanctionne plusieurs années de travaux de
recherche). Les Professeurs d'Université ont un rôle moteur et
décisionnel dans leurs établissements : ce sont eux qui dirigent
les thèses, les équipes de recherche, les laboratoires. En général
(bien que ce ne soit pas une obligation), les présidents
d'université sont Professeurs. Dans certaines disciplines, ce sont
eux qui sont responsables des Cours Magistraux, laissant la
réalisation des Travaux Dirigés et Pratiques aux autres grades.
Les Maîtres de
Conférence sont de leur coté les troupes de base (enfin de
base, ce sont tout de même déjà des enseignants-chercheurs
accomplis). Titulaires d'un doctorat, et également titulaires de
leur poste, ils sont chargés d'enseigner et chercher, mais avec un
niveau de responsabilité moindre. Dans la pratique, tout maître de
conférence ayant vocation à vouloir devenir Professeur un jour (en
tout cas c'est comme cela qu'on nous le présente), beaucoup tachent
assez rapidement d'assurer des responsabilités conjointes avec des
Professeurs de leur équipe (animation scientifique, encadrement
d'une thèse dont la direction est assurée par un Professeur, etc.)
en vue de la préparation de leur propre HDR. Si les PU assurent
normalement toutes les grandes responsabilités scientifiques, on
retrouve très régulièrement des MCF comme responsables de
formation ou chefs de départements.
Après les titulaires
viennent les contractuels, qui là encore peuvent être de deux
types.
Les Attachés
Temporaires d'Enseignement et de Recherche sont de jeunes
enseignants-chercheurs, qui travaillent comme contractuels en
préparant un éventuel recrutement comme titulaire. Ce sont
généralement des doctorants en fin de thèse ou des docteurs ayant
fraichement soutenu, et ces contrats leur permettent de vivre et
d'exercer leur activité (et donc de gonfler leurs dossiers) le temps
de passer les qualifications aux fonctions de maître de conférence
et de passer les concours de recrutement. Un ATER effectue autant
d'enseignements qu'un PU ou MCF et a tout intérêt à être très
actif en recherche s'il veut être recruté un jour. Cependant, vu
son statut de contractuel, il n'assure pas forcément de
responsabilité de cours (même si cela peut arriver quand il apporte
une compétence très pointue dans son équipe éducative) et
n'assure certainement pas de responsabilité administrative. Un
contrat d'ATER a une durée d'un an. Il est renouvelable une fois
nationalement (c'est à dire qu'il n'est pas possible de mettre le
compteur de renouvellements à zéro en changeant d'établissement).
La plupart des nouveaux docteurs savent donc qu'ils ont deux ans pour
essayer de trouver un poste (même s'il est possible de rester dans
le milieu après en tant que chercheur pur en post-doc, les chances
de recrutement diminuent au fil des années).
Les Moniteurs
sont eux des doctorants (donc de jeunes chercheurs) qui bénéficient
d'un programme particulier visant à les préparer à de futures
carrières d'enseignant-chercheur. Ces doctorants signent donc en
parallèle de leur thèse un contrat de trois années (non
renouvelable, d'autant que les financements de thèse ne sont
normalement que sur trois ans) en vertu duquel ils doivent effectuer
le tiers du service d'un enseignant chercheur (soit 64 heures) et
suivre également des formations à l'enseignement (pour sortir du
cliché du chercheur ne connaissant rien à la recherche). Le fait de
passer par le programme de monitorat est clairement un plus pour tout
doctorant souhaitant continuer sa carrière à l'université, mais ce
n'est pas une obligation pour autant (la preuve en est, je n'ai pas
eu l'occasion d'être moniteur pendant ma thèse, et j'ai tout de
même obtenu un poste de maître de conférence plutôt rapidement).
Les moniteurs assurent essentiellement des enseignements en travaux
pratiques et travaux dirigés, et sont normalement limités aux
enseignements de niveau Licence (les enseignements de niveau Master
étant par définition plus stratégiques et plus pointus, il est en
effet raisonnable de ne les confier qu'à des enseignants
expérimentés).
Et finalement, les moins
bien lotis de cette cohorte d'enseignants-chercheurs sont des Agents Temporaires Vacataires. Par définition un vacataire est une
personne engagée pour intervenir ponctuellement en enseignement et
payée uniquement à l'heure de cours effectuée. Les statuts de
vacataire permettent de recruter soit des intervenants professionnels
(dont nous parlerons dans un prochain billet), soit des chercheurs ne
bénéficiant pas de contrat d'enseignement en bonne et due forme. On
retrouve donc parmi les vacataires des doctorants n'ayant pas
bénéficié du programme de monitorat mais souhaitant tout de même
enseigner (pour l'amour de l'art, et pour préparer leur CV) et
également des post-doc ou chercheurs à temps-plein qui veulent
effectuer un peu d'enseignement en à-coté. Ce sont les
enseignants-chercheurs ayant les positions les moins enviables dans
un établissement. D'une part leur rémunération est moindre, car
ils ne sont payés que pour leurs heures de présence devant les
étudiants (et donc pas pour les taches de
préparation/correction/coordination) et d'autre part parce qu'ils ne
sont employés qu'en renfort quand l'équipe titulaire ne suffit pas
(et ne peut pas prendre plus d'heures complémentaires pour couvrir
les besoins) et peuvent donc se retrouver très peu sollicités sur
une année. Il n'y a pas de minimum de service pour un intervenant
vacataire, mais ils ne peuvent par contre pas excéder 96 heures pour
un doctorant et 192 pour une personne en poste.
Cette diversité de
statuts est une force pour les universités, si elle est bien
exploitée. Avec des enseignants titulaires assurant l'ossature des
formations (et le lien de celle-ci aux évolutions des différentes
disciplines, via la veille et la recherche) et des contractuels et
vacataires apportant un sang neuf (et souvent un regard nouveau) sur
leurs domaines. Elle constitue aussi une préparation progressive
pour les futurs enseignants-chercheurs, qui ont généralement 4 ou 5
années d'enseignement à temps partiel derrière eux (3 ans de thèse
plus 1-2 ans de contrat) avant d'être recrutés comme titulaires.
Cependant cette diversité implique un roulement des équipes
important, exercice compliqué dans les petites structures qui
pourraient apprécier un peu de stabilité, et nécessite pour être
complète d'autres enseignants : des enseignants à temps plein
et des professionnels. Mais ça, c'est pour une fois prochaine.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire